Îles Féroé : Les activistes étrangers provoquent une réaction patriotique

Diver with pilot whale bone, off Morkranes, south west of Eysturoy Island. Photo: Ingi Sørensen

196 hunted pilot whales. Photo was taken on August 8, 2012 Vagur. Source: www.portal.fo

196 baleines pilotes tuées dans une chasse à Vagur, 8 août 2012. Source : www.portal.fo

Les actions extrémistes des opposants étrangers à la chasse à la baleine pilote déclenchent un regain patriotique dans les îles Féroé. La grande majorité des critiques féringiens des chasses au rabattage sont d’accord sur le fait que le comportement de nombreux activistes étrangers est contre-productif. Retour sur une année mouvementée et pleine d’espoir.

(Troisième et dernière partie d’une série de trois)

Iriez-vous visiter les îles Féroé ? Le National Geographic Traveler a mené une enquête complète sur 111 communautés insulaires dans le monde. Un panel de 522 grands voyageurs experts en tourisme durable a examiné les îles, en notant sur une liste celles qui étaient les plus préservées. Les îles Féroé sont arrivées en tête comme étant la destination la plus attrayante du monde (Source : faroeislands.com)

Et ce, même si la chasse à la baleine pilote (grindadráp) doit sans doute dissuader certains touristes de se rendre aux îles Féroé. Parallèlement, les îles ont bénéficié de beaucoup de publicité suite au débat sur les chasses au rabattage, par exemple à travers la série « Viking Shores » (Les Côtes Vikings), diffusée sur la chaîne TV Animal Planet, retraçant les actions de la Sea Shepherd Conservation Society (SSCS) dans les îles Féroé en 2011.

Le responsable du tourisme féringien, Gudrid Højgaard, explique que cela a suscité l’intérêt de nombreux touristes, y compris de ceux qui ne connaissaient pas les îles Féroé, pour un voyage dans cet Etat insulaire du nord septentrional. (Source : in.fo)

Partir pour les îles Féroé à cette époque de l’année n’est pourtant pas un choix si intéressant que ça, parce que les moments les plus sombres ont commencé. Décembre n’a que quelques heures de lumière par jour à cette latitude de 62 degrés Nord. Une tempête en suit une autre. La saison du grindadráp est définitivement terminée pour cette année. Du point de vue des protecteurs des baleines et des dauphins, 2014 a été un succès. Cette année, il n’y a eu que 2 chasses, alors qu’il y en a eu 12 l’année précédente.

Le 18 mai, 13 baleines pilotes ont été abattues à Fuglafjørður dans la partie Est de l’île, et le 30 août, 35 sont mortes à Sandur. S’ajoutent à cela, 5 baleines à bec communes qui se seraient prétendument échouées le 28 août et qui ont été tuées à Hvalba, dans le sud de l’île.

C’est toujours quelque chose d’un peu controversé, car même les spécialistes de la chasse féringienne à la baleine pilote et les protecteurs des baleines doutent que les habitants puissent mener de soi-disant « échouages assistés ». Une chose est sûre, les habitants ne font aucun effort de sauvetage dans ce genre de situation mais y voient plutôt une opportunité de tuer les baleines pour se nourrir.

En bref : En 2014, seulement 53 cétacés (48 baleines pilotes et cinq baleines à bec) ont été tués. L’année dernière, il y en a eu 1534, près de 30 fois plus ! Pour quelles raisons le nombre de dauphins tués s’est-il effondré (les baleines pilotes sont des dauphins) ?

Il y a sans aucun doute plusieurs facteurs. Il s’agit notamment de la météo, des courants marins, des chemins de migration, de la distribution et de l’abondance des calmars, principales proies des baleines pilotes. Les activités humaines jouent aussi un rôle, ainsi que les impacts du changement climatique, qu’il est plus facile d’observer dans le Grand Nord.

Tórshavn is the capital city of the Faroe Islands. Located in the southern part of Streymoy Island, the town has about 13,000 inhabitants (2008), the greater urban area 19,000. Photo: Ingi Sørensen

Tórshavn est la capitale des îles Féroé. Située dans la partie sud de l’île de Streymoy, la ville compte environ 13.000 habitants (2008), la plus grande zone urbaine 19.000. Photo : Ingi Sørensen

Une influence minime des activistes

En 2008, aucune chasse à la baleine n’a eu lieu, tout simplement parce qu’aucun animal n’a été aperçu à distance de chasse des baies désignées pour l’abattage. Coïncidence, c’est aussi en 2008 que l’autorité de santé féringienne a commencé officiellement à décourager la consommation de viande de baleine pilote, en raison du risque lié aux taux élevés de mercure contenus dans la viande provoquant la maladie de Parkinson.

Le médecin de campagne Høgni Debes Joensen et le médecin-chef du ministère de la Santé Publique et de la médecine environnementale des îles Féroé, Pál Weihe, ont déclaré :

Nous regrettons d’avoir à faire cette recommandation. Le globicéphale a servi les Féringiens durant de nombreux siècles et a probablement sauvé les vies de nombreuses personnes au cours de cette période. Mais les temps changent et il en va de même de l’environnement. Nous sommes persuadés que cette recommandation est nécessaire pour des raisons de santé.

Le ministre de la Santé des îles Féroé Hans Pauli Strøm a soutenu la recommandation, mais a précisé qu’elle devrait être fondée sur des décisions individuelles. Toutefois, le ministère de la Santé n’a fait aucune recommandation officielle sur la consommation de baleines pilotes.

Alors que le médecin continue toujours de promouvoir une alimentation exempte de viande de globicéphale en raison des taux extrêmement élevés de mercure, le ministère de l’Industrie (L’Agence Alimentaire) opte pour « une recommandation alternative quelque peu libérale », comme le souligne Weihe. Elles ont recommandé un nouveau taux maximal d’ingestion en mercure, qui est basé sur la consommation de tous les produits de la mer. Le poisson contient également du mercure, mais dans des concentrations beaucoup plus faibles que dans la viande de baleine, comme Pal Weihe l’avait souligné. Il n’est pas d’accord avec ces recommandations.

Y-a-t-il d’autres raisons pour expliquer le très faible nombre de chassés cette année ? Est-ce que la présence sur les îles de SSCS avec leur « Opération Grind Stop 2014 » a eu un impact? Probablement oui, mais seulement un peu.

Tant les autorités féringiennes que le Danemark, qui est aussi responsable du maintien de la sécurité dans les îles Féroé, ont eu de sérieux problèmes de maintien de l’ordre. On peut donc supposer que quelques chasses n’ont pas été menées afin d’éviter l’escalade, et aussi que SSCS a pu réussir dans quelques cas, à chasser les baleines pilotes au loin quand elles étaient sur le point d’approcher les îles.

Plongeur avec un os de globicéphale, à Off Morkranes, sud ouest de l’île Eysturoy. Photo : Ingi Sørensen

« Une loi Anti-Sea Shepherd »

Mais dans l’ensemble, 2014 (tout comme 2008) était simplement une « mauvaise année » de prises, avec peu d’observations. Lorsqu’on demande à Pál Weihe si SSCS soutient ses recommandations pour que les féringiens ne consomment plus de viande de baleine pilote, il répond non avec véhémence. SSCS n’a même pas pris contact avec lui.

L’attention que suscite SSCS gêne mon travail. Leurs actions provoquent une sorte de réflexe patriotique dans les îles pour s’accrocher à la tradition et renforcent la notion que la chasse à la baleine pilote fait tout simplement partie de l’identité nationale.

Selon un article féroïen publié en ligne, Tjóðveldi, le parti de l’opposition républicaine a présenté en octobre un projet de loi à l’Assemblée nationale des îles Féroé, qui vise à interdire la présence de ces organisations dans les îles Féroé dans les cas où ils ont l’intention ou menacent de violer la loi.

29 des 33 membres du Parlement Féringien, « Løgting » approuvent une telle loi. Les initiateurs espèrent que le projet de loi sera adopté avant le 1er mai 2015. Bien que non explicitement indiqué, une telle loi serait essentiellement une loi « Anti-Sea Shepherd. »

Pál Weihe déclare :

S’il n’y avait pas cette pression extérieure, la majeure partie de la population féringienne aurait déjà probablement suivi mes conseils. Il serait plus facile de communiquer et mes recommandations seraient plus facilement acceptées. Toute l’ambiance autour du débat sur la santé serait tellement plus détendue.

Il estime que l’argument sanitaire est le seul qui puisse actuellement stopper la chasse à la baleine pilote. Il ajoute :

Je voudrais que les activistes aident plutôt à diffuser mes études dans le monde entier, parce qu’une grande partie de ce qui se passe dans le microcosme des îles Féroé reflète ce qui se passe à l’échelle mondiale.

Incompréhension

Le médecin-chef estime que si les activistes veulent protéger les cétacés efficacement, ils feraient mieux de mettre la pression sur leurs propres gouvernements pour arrêter de polluer les océans. « Mettez la pression aux politiciens et aux autorités responsables. Cela peut fonctionner. »

Dans la pollution chimique des océans, il a perçu quelques changements :

Tandis que le mercure reste actuellement relativement stable dans des taux élevés, la concentration en PCB est en diminution (polychlorobiphényles). Pour autant, de nouveaux composés chimiques pénètrent dans l’environnement, et donc aussi dans les océans.

Sasha Abdolmajid (left) and Dr Pál Weihe after interview.

Sasha Abdolmajid (à gauche) et le Dr Pál Weihe, après l’interview.

Pál Weihe estime que les battues au globicéphale vont progressivement disparaître au cours des 10 à 15 prochaines années – « Voire même plus tôt », dit-il. Mais dans l’ensemble, les Féringiens auraient du mal à comprendre ce que les militants « disent sur les baleines et leur nature. »

En conséquence, les Féringiens ressentent peu d’intérêt pour les résultats de la résolution adoptée par l’ONU en Novembre 2014, indépendamment du fait qu’elle est révolutionnaire du point de vue du bien-être ou non de l’animal.

La résolution, qui a été adoptée par consensus à la conférence de Bonn, fait part de l’importance de la culture des baleines et des dauphins. En la signant, 120 Etats membres ont reconnu que certaines espèces de mammifères socialement complexes (telles que diverses espèces de baleines et de dauphins) disposent d’une « culture non-humaine ».

La résolution stipule, entre autres choses, que l’étude scientifique de la culture et de la complexité sociale chez les mammifères fournit des raisons importantes pour la protection des espèces.

Adversaires respectueux

Cela peut également expliquer pourquoi il ne viendrait pas à l’idée des opposants locaux au grindadráp de manifester publiquement contre ces chasses. Ce type de « culture du conflit » n’existe pas traditionnellement dans les îles Féroé et la différence entre les partisans et l’opposition (beaucoup plus faible) n’est tout simplement pas assez profonde.

Rúni Nielsen, un opposant modéré et pragmatique à la chasse à la baleine pilote explique : « En outre, presque tout le monde convient que de toute façon il s’agit juste d’une question de temps avant que le grind n’existe plus que dans les manuels d’histoire. »

Voilà pourquoi les opposants à la chasse au rabattage travaillent discrètement, en douceur et avec précaution – comme par exemple, la citoyenne féringienne Marna Frida Olsen, dont l’influence du site internet GRINDABOÐ.FO s’étend progressivement. Son site Web est désormais également disponible en anglais.

Pour conclure, encore une fois, de grands remerciements aux Féringiens pour leur ouverture d’esprit, leur chaleur et leur hospitalité.

(En collaboration avec Hans Peter Roth)

Traduction française par Marie Jo Alonso et David Delpouy

Première partie : Quand la chasse au globicéphale va-t-elle cesser aux îles Féroé ?

Partie II : Du point de vue féringien — la chasse à la baleine pilote

7 Comments

  1. Luciano dit :

    Boycotter les Féroés jusqu’à l’arrêt du massacre des dauphins et baleines.
    C’est tout.

  2. guerinel dit :

    Boycott total des iles et surtout que le combat mené par Sea shepherd continue. il faut que ce massacre cesse absolument c’est atroce et digne d’un peuple de barbares.

  3. Julien dit :

    C’est bien joli de dire que les activisites ont une influence minimale, car si il n’y a pas eu de grind certaines années, ou très peu, c’est parce qu’aucun dauphin n’a été aperçu.

    Mais POURQUOI aucun dauphin n’a été aperçu ? Parce que les bateaux de ces mêmes activistes (Sea Shepherd) patrouillaient au large et éloignaient les dauphins des cotes.

    Quant à la loi anti sea shepherd, nous sommes curieux de voir comment ils vont l’appliquer. Ils vont interroger tous les touristes ? Ils vont interdire les casquettes, t-shirts et banderoles des sea shepherd ?

  4. FRANDJIAN Régine dit :

    Bravo à tous ces hommes et femmes qui font tout pour sauegarder les cétacés menacés, c’est honteux, cruel et catastrophique.

    Régine FRANDJIAN

  5. Dadian dit :

    Je boycotte et je fais passer le mot.

  6. Maria dit :

    A very balanced, well informed and well written article! From a vegetarian living on the spot!

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